MES METIERS A TISSER

AUX RACINES DU TISSAGE: Isatisse, créations contemporaines réalisées à partir de techniques anciennes

Ma PHILOSOPHIE:

A l'origine de nombreuses mythologies, et dans de nombreuses cultures, le tisserand a une charge. Le tisserand est le seul à avoir le droit de couper son tissage et de le faire tomber à terre (symbolique de la naissance d'une création). Le tisserand travaille sur la trame invisible des choses. Il donne une destinée à son tissage. Il vient de créer une matière qui n'existait pas.

Selon moi, tisser n'est pas seulement appliquer un bref de tissage, tisser est réussir, par la maîtrise technique, à créer une matière, à créer un agencement qui est le fruit d'une inspiration et d'une volonté, à l'aboutir pour qu'il trouve sa propre destinée. Tisser est aussi maîtriser la technique pour pouvoir inscrire une pensée abstraite ou un effet dans la matière.

" Tisser est beaucoup plus que de croiser des fils de façon ordonnée, tisser est plus que suivre correctement un patron. Il faut connaître l'âme du tissu en question pour faire germer des fleurs en plein hiver " , Marcelo S. (tisserand argentin).

MON CRENEAU:

Toutes mes collections sont réalisées en explorant et en innovant à partir des techniques premières.

Nous allons donc nous placer AVANT l'ère industrielle et aussi AVANT son développement vers des systèmes de métiers à tisser artisanaux qui n'ont eu cesse d'évoluer jusqu'à aujourd'hui (à 8 cadres, à 16, à 24 cadres, à manettes remplaçant les pédales, à navettes à propulsion, automatisés, puis combinés à des systèmes informatisés jusqu'aux systèmes mécanisés).

La 1ère raison est, qu'étant issue de l'archéologie professionnelle, j'ai eu naturellement un besoin de comprendre l'origine des choses.

La seconde est que, contrairement à ce que l'on pourait croire, les armures fondamentales européennes et leurs variations sont en danger, car récemment détrônées par la tendance très largement majoritaire de mettre les débutants directement sur des métiers à 8 ou 16 cadres sans leur avoir fait expérimenter tout un apprentissage progressif, pourtant vital. On se retrouve avec des tisserands sur de beaux métiers complexes ne sachant pas lire une armure de base sur 2 ou 4 cadres.

Il m'a naturellement semblé nécessaire de m'atteler à expérimenter tout ce socle millénaire et de m'en servir comme base créative.

Un PEU D'HISTOIRE:

Le choix d'un métier à tisser aujourd'hui est vaste. J'appelle métier à tisser tout système permettant de séparer deux nappes de fils pour créer une foule. Nombre de peuples ont inventé des systèmes très simples, composés de simples bout de bois et de lisses végétales, de peignes simples et d'autres plus complexes, en bois ou en os, des systèmes avec une seule poulie et deux cadres, des systèmes de haute lisse à pesons, à rainures ou à ensouples, des systèmes de basse lisse à la lève.

A l'origine, du plus simple au plus complexe (et c'est loin d'être une évolution linéaire!), tous ces systèmes très anciens sont ingénieux. Ils permettaient de répondre à des besoins spécifiques de résistance, d'élasticité ou de finesse et d'épaisseur (isoler, décorer, vêtir, tracter, porter, etc.) mais aussi de créer de nombreux motifs traditionnels qui perdurent heureusement dans certaines cultures. C'est la double vocation du tissage: répondre à des besoins et écrire une identité. 

En Europe, le peigne à ceinture protohistorique et les systèmes de haute lisse ont dominé du Néolithique jusqu'au Moyen Âge, mais il ne faut pas oublier l'acquis des périodes mésolithiques qui précèdent (vannerie, systèmes cordés, sprang, filets...).

Je consacre une bonne partie de mes recherches aux techniques du Néolithique car le tissage est sans aucune comparaison possible, la technologie complexe la plus ancienne de l'humanité. L'inventivité, l'ingéniosité, la capacité à travailler et à penser sur des plans opposés , à créer des outils et des chaînes opératoires élaborées, voire déjà très spécialisées, sont les défis permanents visibles dès le Néolithique, il y a plus de 7000 ans. C'est-à-dire que non seulement différentes techniques co-existent déjà pour répondre à des besoins différents, mais en plus l'expression artistique apparaît immédiatement avec des effets d'insertion (perles, coquillages, fourrure) pour créer des motifs , et de variations multiples sur la base d'une armure toile (cordés,effets de velours). Et tout celà va aller en complexité croissante dans les périodes qui suivent.

Selon les pays, le tissage aux tablettes (cartes perforées qui, à l'origine étaient en os ou en bois) est également apparu précocément pour réaliser des motifs sur des bordures ou des galons. Cette technique est toujours vivante et très pratiquée encore par les troupes de reconstitution et de nombreux peuples européens et asiatiques.

La réalisation de motifs traditionnels réalisés à partir du simple peigne à ceinture, a, en revanche, connu un oubli majeur, et, en dehors de la baltique, peu de tisserands savent encore la pratiquer. Elle fait donc partie de mon créneau "survivance". On ignore également souvent que les celtes avaient fait des tentatives aussi de motifs au peigne et que dans l'Âge du Bronze, on utilisait déjà différentes techniques de flottés pour réaliser des motifs de type losanges, bien avant l'invention de l'armure losangée du second Âge du Fer.

Pour comprendre le vocabulaire de base et voir en image d'anciens métiers de haute lisse, regardez la video de la rubrique "comprendre le tissage"

 

LES METIERS QUE J'UTILISE

Pour se lancer aujourd'hui dans le tissage professionnel, il faut pouvoir répondre à des besoins, à des délais, à des coûts et donc le choix du type de métier sera majeur. Tout dépendra de la spécialité du tisserand, de son budget, de l'espace dont il dispose et surtout, de sa créativité. Au démarrage, on pourrait avoir la tentation d'investir directement dans le montage d'un grand métier à propulsion de navettes ou à se défier avec des systèmes à contre-marches à cadres multiples. Dans un premier temps, je conseillerais avant tout de déjà maîtriser les bases, car elles sont riches et multiples et leurs contraintes techniques poussent à se dépasser, à défier les limites, à combiner, à jouer en quelque sorte en créant sa propre partition.

Je travaille pour l'instant sur des métiers manuels dont l'envergure maximum de tissage est l'envergure naturelle des bras d'un tisserand individuel.  Je travaille sur différents types de métiers dans un même espace, impliquant l'utilisation de différentes techniques selon les besoins ou le résultat souhaité. 

J'utilise principalement un métier Leclerc d'un mètre d'empeignage à 4 cadres à pédales qui m'inspire nombre de variations et qui permet de donner du corps, de la solidité ou de la densité à un tissage. 

J'utilise aussi deux métiers à peigne envergeur, le peigne à ceinture, un métier à galons (équivalent du peigne à ceinture mais où je remplace le peigne par des lisses végétales pour réaliser des motifs à double face ou pour créer des bandoulières solides).

J'ai également acquis un ensemble de bouts de bois rainurés et un couteau de tisserand pour m'essayer au tissage à la ceinture sans peigne, systèmes permettant des densités uniques. 

 

Matériaux naturels utilisés dans mes créations   Etui pour flûte en os ou en bois

 

Métier à ceinture

LE PEIGNE ENVERGEUR

De conception contemporaine, le peigne envergeur reprend le même principe que le petit peigne protohistorique avec ses trous et ses fentes pour séparer les foules. On y a juste ajouté une ensouple afin de pouvoir tisser en intérieur lorsque l'on ne pouvait plus s'attacher à un arbre. Il permet donc de réaliser des pièces de plus grande longueur.

Techniquement, il est une déclinaison horizontale inversée de l'ancien métier à pesons vertical à une ou deux barres de lices utilisé en Europe depuis le Néolithique et bien plus anciennement encore en Egypte et en Asie. Au lieu de pousser et tirer les barres, la foule se crée en levant et en baissant le peigne.

 

Enfilage sur métier à peigne envergeur ISATISSE

LE METIER A 4 CADRES

Je travaille également avec un métier à 4 cadres. Il me permet de réaliser toutes les armures croisées de base. Selon les fabricants, les cadres sont levés avec des mécanismes tout en bois en en cordes, ou avec des poulies placées à l'horizontale. Le type d'ensouple est en ourdissage indirect, méthode ancienne la plus universelle.

Au XIII e siècle, l'ancien métier à pesons vertical à 4 barres de lisses des celtes bascule en basse lice et on invente donc le système de pédales pour lever les cadres. 

Quelle que soit l'évolution future du tisserand, ces armures là sont fondamentales à maîtriser car toutes les armures contemporaines à cadres multiples ne sont que des déclinaisons de ces armures fondamentales premières. A partir de ces armures référentielles à 4 cadres, nombre de variations sont possibles. Elles impliquent de savoir lire un bref de tissage et donc de comprendre le mécanisme de fond, l'art de la prédétermination de l'armure finale dans le choix de l'enfilage dans les cadres et de l'attachage aux pédales.

 

Métier à cadres ISATISSE                      ATELIER ISATISSE

 

     Tissage ISATISSE    Tissages ISATISSE

Pour en savoir plus sur mes tissages au métier aux galons,cliquez ici.

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"VOUS FAITES TOUT CA SUR VOTRE MACHINE ?"

"VOUS FAITES TOUT CA SUR VOTRE MACHINE?" est une question qui revient souvent dans le public.

A laquelle il faut répondre NON! Un métier à tisser ARTISANAL n'est pas une machine!

 Chaque étape de la préparation du tissage à sa réalisation est réalisée à la main et modifiable par le tisserand selon son élan créatif.

Rien n'est automatisé. Rang par rang, le tisserand artisan crée son tissage à l'huile de coude.

Certaines armures comme les overshots ou tout motif nécessitant des fils de liaison par exemple, ne sont pas traitées par l'industrie.

Le tisserand peut intervenir au fil de son tissage pour ajouter une couleur ou un effet de trame, ce que ne peut pas faire une machine.

Le tisserand artisan peut travailler des pures matières nobles naturelles poilues et fines sans aucun traitement chimique, ce que ne peut pas faire la "machine' industrielle qui va devoir ajouter des substances chimiques pour solidifier ou consolider les tensions et amoindrir l'électrostaticité.

Alors pour mieux comprendre ces deux domaines que tout oppose et qui ont chacun leur nécessité, consultez ce petit film grand public réalisé par Et Saar'part pour le château de Monségur. Il montre en images le vocabulaire des métiers à tisser et l'évolution des métiers à tisser jusqu'à la machine industrielle:

 

Date de dernière mise à jour : 05/04/2022

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